2.06
Il avait toujours redouté ce moment, et aujourd'hui il comprenait qu'il s'était alarmé en vain. Dans l'ancien monde de la chair, son corps vieillissant s'affaiblissait de jour en jour, alors que dans l'univers où il vivait à présent, en suspension dans sa cuve amniotique, il était tout-puissant. Il pouvait conquérir le monde.
Dans cette guerre simulée, le princeps Cavalerio combattait et abattait ses ennemis à l'instar d'un dieu de métal, et il arpentait les arènes virtuelles tel un colosse guerrier. Ses ennemis trépassaient les uns après les autres : il écrasait les skitarii sous ses pas, déchiquetait les Reavers dans la tornade du combat singulier entre machines, et les Warlords explosaient sous les salves de ses armes meurtrières.
Il avait quitté le monde de la chair mortelle pour rejoindre celui du métal et en faire son domaine.
Les données liquides tourbillonnaient autour de lui, pénétraient son organisme par les récepteurs implantés sous sa peau, saturaient ses senseurs d'une masse d'informations foisonnantes, à laquelle n'aurait pu résister le cerveau d'un individu moins augmenté qu'il ne l'était. Des éclairs de lumière fusaient autour de lui, chargés d'une multitude de données, tournoyant autour de lui comme des bancs de poissons scintillants tandis qu'il sortait encore une fois vainqueur d'une nouvelle simulation.
Il ne ressemblait plus du tout à l'individu maigre et claudiquant qui arpentait autrefois la planète rouge. En ce temps-là, il n'était qu'un homme ordinaire. À présent, il s'était métamorphosé en une créature du Mechanicum. Sa pâle enveloppe mortelle flottait dans une gelée riche en éléments nutritifs, reliée au monde environnant de mille manières différentes par une multitude de câbles.
Depuis son installation dans ce sarcophage, chaque jour lui avait apporté son lot de nouvelles connexions, de nouvelles améliorations augmentiques et de nouvelles sensations. Il se rendait enfin compte à quel point son ancienne existence avait été imparfaite, limitée par ses cinq pauvres sens.
Un épais branchement rigide lui transperçait l'épine dorsale, entre les lombaires, tandis que d'autres câbles plus fins et délicats plongeaient dans ses orbites. Une forêt de fils émergeait de la région occipitale de son crâne ; ce seraient les connexions qui le relieraient au multiface quand il pourrait enfin reprendre le commandement d'un Titan. Ses deux bras étaient enfermés dans des gaines métalliques qui lui montaient à hauteur du coude, et ses deux pieds avaient été amputés pour être remplacés par des fourreaux haptiques.
La transition avait été difficile, il y avait eu des épisodes douloureux, mais Agathe, sa Famulous, était restée à ses côtés durant toutes les étapes du processus, l'apaisant, le dorlotant, l'encourageant à surmonter tous les obstacles. Malgré l'hostilité que la simple idée d'être assisté d'une Famulous avait suscitée chez lui au départ, il appréciait à présent le rôle vital qu'une personne comme celle-ci pouvait jouer lorsque l'on se retrouvait enfermé à l'intérieur d'une cuve amniotique.
La douleur terrible qu'il avait ressentie à la perte de Victorix Magna hantait toujours ses cauchemars. Il savait qu'il en serait ainsi jusqu'à la fin de ses jours. Aucun princeps ne pouvait survivre à la mort de son Titan sans en rester psychologiquement marqué, mais à chaque nouvelle simulation sa confiance en lui et son énergie guerrière croissaient. Ses capacités de commandement lui revenaient de plus en plus rapidement. Il se sentait de plus en plus assuré, de plus en plus rapide ; il avait fini par prendre conscience qu'il était devenu encore meilleur qu'il ne l'avait été durant toute son existence précédente.
La dernière simulation se termina. La fureur guerrière et l'exaltation de la connexion s'estompèrent, et une vague de regret le submergea. Ce n'était pas la même chose que lorsqu'il se débranchait physiquement de sa machine, autrefois, mais c'était un sentiment très semblable ; déjà, le désir de recommencer montait dans son âme.
<Comment pouvais-je imaginer vivre avant de connaître ça ?> logua-t-il dans un doux soupir binaire.
Sa conscience du monde environnant revint à mesure que les images de la bataille qu'il venait de mener s'estompaient comme des fantômes chassés par la lumière du jour. Lentement, le monde réel reprit le dessus. Il ne voyait plus le monde comme autrefois mais, grâce au sensorium intégré à son sarcophage, ses perceptions étaient d'une acuité infiniment plus grande que tout ce qu'il avait pu connaître. Il identifia les marqueurs biométriques des deux personnes qui se tenaient dans la chambre où était installée sa cuve bien avant d'avoir reçu la moindre image visuelle.
Il reconnut la forme physique d'Agathe, petite et légèrement ronde, ainsi que ses caractéristiques biométriques et la densité des champs électriques de ses subtiles améliorations augmentiques. Sa noosphère clignota, et de minuscules geysers de lumière dénotant un transfert de données s'allumèrent au-dessus de sa tête.
L'autre était le princeps Sharaq.
— Mon princeps, dit aussitôt Agathe, surprise par sa soudaine vocalisation. Avez-vous besoin de quelque chose ?
— Hmmm ? Non, Agathe, je pensais tout haut.
— Mes félicitations pour cette nouvelle victoire, Indias, dit Sharaq.
— Merci, Kel, répondit Cavalerio. As-tu vu comment j'ai abattu le second Warlord ?
Sharaq sourit, et Cavalerio perçut l'authentique plaisir que prenait son ami à admirer sa réussite.
— l'ai vu ça. C'était un coup de maître.
— Je sais, répondit Cavalerio sans aucune arrogance. Je suis plus rapide et mieux coordonné que jamais. À peine ai-je pensé un ordre que la machine répond. Je reçois les données directement du multiface, ce qui me permet d'améliorer mon temps de réponse et de réaction dans une proportion moyenne de neuf virgule sept pour cent. C'est une marge largement suffisante pour faire la différence entre la vie et la mort dans un combat entre Titans.
— Voilà qui est plaisant à entendre. Donc tu t'adaptes bien à ta nouvelle situation ?
— Oui, Kel, on peut le dire. Mes journées sont vraiment occupées. Je travaille tous les jours sur les simulations, bien qu'Agathe soit la seule à venir me voir combattre à présent. Entre les batailles et les opérations chirurgicales, Kasim est venu voir comment je progressais, et nous avons causé, nous nous sommes remémoré les glorieux hauts faits de notre legio.
— Et la vie dans le sarcophage ? demanda Sharaq. Tu ne regrettes pas... eh bien... la vie charnelle ?
Cavalerio hésita un instant avant de répondre.
— Les débuts ont été difficiles, admit-il enfin. Pendant un long moment, j'ai vraiment pensé que j'allais devenir fou enfermé là-dedans. Mais Agathe a aidé de nombreux princeps à s'habituer à leur nouvelle vie, et au fil du temps, j'ai fini par comprendre que c'est l'existence à laquelle j'étais destiné.
— Destiné ?
— Oui, Kel, destiné. Je ne sais pas pourquoi j'ai résisté à l'immersion durant tant d'années. Lorsque je me relie au multiface, il me paraît tellement plus proche qu'avant. Lorsque je commandais encore Victorix Magna, je pouvais ressentir ses sensations, mais il s'agissait de sensations d'emprunt. Aujourd'hui, je suis la machine. Cette vie ne devrait pas être le dernier recours d'un princeps vieillissant ou blessé, cela devrait devenir le mode de commandement standard pour tous les plus grands Titans.
— Je pense que tu risques d'avoir beaucoup de mal à convaincre les plus réfractaires.
— Pas s'ils savaient ce que je sais. Mais si nous laissions tomber ce papotage pour en venir à la véritable raison de ta visite ?
Sharaq opina du chef et se mit à tourner autour du sarcophage avec l'expression d'admiration respectueuse et craintive d'un homme en présence de la véritable grandeur. Cavalerio perçut son malaise à l'augmentation de son rythme cardiaque et l'intensification soudaine de ses ondes alpha.
— Ne t'inquiète pas, Kel, dit-il. Ne te sens pas coupable. Tu as fait ce que tu avais à faire, et j'aurais été déçu s'il en avait été autrement.
Sharaq s'arrêta de marcher et s'agenouilla devant le sarcophage, plaçant ses mains sur la vitre tiède de la cuve. Cavalerio se rapprocha de la paroi. Sa peau était marbrée, luisante, et son visage presque entièrement dissimulé par les appareillages bioniques complexes qui le reliaient à la machine qui le maintenait en vie. Les deux hommes n'étaient séparés que par deux ou trois centimètres de verre blindé, mais la modification anatomique et augmentique constituait un véritable gouffre entre les natures différentes de leur humanité.
— Je ne me sens pas coupable, commença Sharaq. Je sais que j'ai fait ce qui devait être fait. Tu n'étais pas en état de commander la legio, et malgré tes progrès je pense que tu n'es pas encore prêt. Bientôt, mais pas tout de suite.
— Alors pourquoi es-tu venu ?
— J'ai besoin de ton aide, Indias, et j'ai besoin de ton expérience. Je crains bien de n'être pas fait de la même étoffe que toi. Tu as toutes les qualités d'un chef, tu as ça dans le sang. Pas moi.
—Vas-y, parle, répondit Cavalerio. Je ne suis peut-être pas le princeps senioris en exercice, mais je reste ton ami.
Ces paroles, qui étaient destinées à réconforter Sharaq, semblèrent le blesser. Il jeta un regard en direction d'Agathe.
— Il vaudrait peut-être mieux discuter en privé, mon princeps ?
— Agathe est ma Famulous. Tout ce que tu as à me dire, tu peux le dire devant elle.
— Très bien, Indias. Tu as certainement remarqué que tu n'as été relié à aucun port de communication ayant un accès extérieur durant toute ta convalescence. Le medicae a pensé que le fait d'intracharger un excès de données risquerait d'entraver ta guérison.
— Rétrospectivement, je ne peux qu'applaudir sa décision, répondit Cavalerio. Alors, dis-moi, que s'est-il passé durant tout ce temps à l'extérieur de notre forteresse ? Les Mortis ont-ils été réprimandés pour la violation de notre territoire ?
Sharaq secoua la tête.
— Non. Pas le moins du monde. Les princeps conciliatus ont été avertis des faits et les ont convoqués, mais le fabricator général et le princeps Camulos ont traité la convocation par le mépris.
— Une convocation des conciliatus au sujet d'une querelle entre legios ? Ils l'ont ignorée ? Quelle folie !
— La folie s'est emparée de Mars tout entière, Indias.
— Qu'est-ce que cela signifie ?
Sharaq échangea un regard avec Agathe.
— La situation s'est détériorée au point que nous en sommes quasiment à un état de guerre ouverte. Le Mechanicum a été frappé de toutes parts par des désastres successifs, et on nous réclame tous les jours l'aide de nos Titans.
— Qui réclame ?
— J'ai reçu des demandes de dix-sept forges, pas moins, qui nous supplient toutes d'entamer les opérations. Avec ta permission, j'aimerai intracharger les dernières nouvelles de la situation dans ton sarcophage.
— Bien sûr, Kel, répondit aussitôt Cavalerio. Vas-y.
Sharaq ne dit rien, il ne sembla pas bouger, mais Cavalerio sentit un afflux de données lui parvenir au moment où son frère d'armes débloqua noosphériquement les ports d'entrée reliés au réseau martien, permettant aux informations de se déverser directement dans la gelée qui remplissait la cuve.
— Par le sang de l'Omnimessie ! souffla-t-il en sentant les données imprégner son esprit par osmose informationnelle.
Il ne lui fallut qu'un instant pour absorber les terribles événements qui s'étaient déroulés lors du Massacre des innocents initié par l'abominable code corrompu, la succession catastrophique de pannes machines et la marée de violence qui avait balayé toute la planète.
Il vit les forges s'affronter les unes les autres et le sang versé pour d'anciennes querelles soudainement réveillées. Il vit les opportunistes qui en avaient profité pour s'emparer de territoires convoités, les vengeances mesquines, l'avidité que certains avaient mis à dépouiller leurs rivaux de leur savoir. Il entendit les tambours de guerre résonner d'un bout à l'autre de la planète rouge, éveillant la haine dans le cœur belliqueux des hommes, et il vit monter le spectre de la guerre civile, plus menaçant de jour en jour.
Son cœur s'emplit de tristesse en voyant que, malgré leurs différences qui en faisaient presque une race à part, les membres du Mechanicum étaient tout aussi enclins à céder aux faiblesses humaines que leurs frères non modifiés.
— Et cette attaque du code corrompu a débuté juste au moment où les Mortis marchaient sur Ascraeus Mons ?
— Je pense que nous en avons subi les premières émissions, répondit Sharaq. Il était encore fragmentaire et dispersé. Les améliorations noosphériques de Zeth nous ont protégés, et nous n'avons pas été frappés aussi brutalement que certains autres, mais la Legio Fortidus et la Legio Agravides ont été anéanties. Leurs réacteurs sont entrés en masse critique, et leurs forteresses ont été entièrement détruites par l'explosion, en même temps qu'une bonne partie d'Erebus Mons.
Cavalerio absorba l'information sans la commenter, malgré son chagrin à l'idée que deux legios alliées aient pu connaître un sort aussi ignominieux. Impassible, il reprit les informations qui venaient de lui être communiquées, triant dans la masse contradictoire de communiqués propagandistes, de suppliques, de revendications, de demandes et d'ordres qui avaient été échangés entre les forges. Des factions se formaient déjà, de fragiles alliances forgées selon les limites rebattues du vieux schisme de l'Omnimessie.
Des paquets de données tournoyaient autour de la planète. Selon certains, il fallait mettre immédiatement fin à l'alliance entre Mars et Terra, tandis que d'autres recommandaient avec insistance aux populations martiennes de se rapprocher encore plus étroitement du berceau de l'humanité. Pire encore, une bonne partie de ces doléances avaient quitté la planète pour s'ébruiter vers d'autres mondes et s'étaient répandues comme une peste par le truchement de vaisseaux en partance ou de visions astropathiques transmises à travers le vide intergalactique vers les contingents du Mechanicum qui accompagnaient les flottes expéditionnaires dans toute la galaxie.
— Qu'est-ce que c'est que toutes ces histoires au sujet d'Horus Lupercal ? demanda Cavalerio en remarquant que la version binaire du nom du premier primarque apparaissait à de nombreuses reprises. Qu'est-ce que le Maître de Guerre a à faire avec tout cela ?
— Nous n'en sommes pas sûrs, répondit Sharaq. Les factions qui préconisent une séparation d'avec Terra semblent le considérer comme une sorte de champion censé les libérer de l'Empereur. Il est difficile d'y comprendre quelque chose. Leur code est tellement corrompu qu'il en est réduit à une bouillie de hurlements binaires qui ne font que répéter le nom du Maître de Guerre.
— Les nouvelles de ceci sont-elles parvenues à Terra ?
— Le fonctionnement du vox intrasystème est erratique, mais l'adepte Maximal est apparemment parvenu à établir un contact intermittent avec le conseil de Terra.
— Et que pensent-ils de tout cela ?
— Ils semblent aussi désorientés que nous, répondit Sharaq en prenant une profonde inspiration avant de continuer. Quelque chose s'est produit dans le système d'Istvaan, un événement lié à l'Astartes, mais nous n'avons pas pu en savoir plus.
— Mais en ce qui concerne Mars ? insista Cavalerio. Que disent-ils au sujet de Mars ?
— Le Mechanicum a reçu l'ordre de réprimer les troubles s'il ne veut pas que les légions s'en chargent à sa place.
Sans ralentir, le levmag traversa la zone sud des hauts plateaux de Tharsis, évitant la lisière du pallidus et traversant un certain nombre de tempêtes de particules soulevées par les vents violents. Dalia trouvait le spectacle de ces nuées de cendres étrangement réconfortant, et elle passa des heures à contempler le mouvement des tourbillons de poussière qui filaient le long des voitures.
Elle regardait les vagues poudreuses qui déferlaient sans relâche sur le paysage et leur enviait la liberté de vagabonder au hasard, au gré des vents qui les poussaient. Elle avait de plus en plus l'impression que sa vie ressemblait à celle d'une ligne de levmag, avançant sur une trajectoire toute tracée, inexorablement guidée vers une destination inévitable. Les simples notions de libre arbitre et de choix lui paraissaient étrangères, singulières, comme si son cerveau ne faisait que répondre à des stimuli extérieurs auxquels elle n'aurait eu d'autre choix que d'obéir.
Ils ne rencontrèrent guère les autres passagers au cours du voyage, à l'exception des quelques rares et inconfortables occasions où il fallait croiser quelqu'un dans un couloir étroit, en se rendant aux distributeurs de nourriture ou au cabinet d'ablutions. Dalia vit que la plupart des autres voyageurs étaient des adeptes subalternes effectuant une course pour leurs maîtres, des serviteurs en mission automatique ou des ouvriers itinérants en route vers une nouvelle forge dans l'espoir d'y trouver du travail. Il y avait peut-être trois cents autres passagers, mais aucun ne leur prêta la moindre attention, ce dont elle se sentit ridiculement soulagée.
Au bout de quelques heures, l'excitation qu'ils avaient ressentie à l'idée de se hasarder au-delà des frontières de la forge était peu à peu retombée, et ils avaient plongé dans l'étrange apathie des voyageurs qui, étant partis pour un long périple, n'ont rien prévu pour passer le temps. La perspective de voir l'une de ces étranges villes-champignons qui végétaient en bordure du pallidus les avait excités un moment, mais la réalité s'était avérée plutôt décevante.
Alors que le levmag approchait de La Cendrée, ils s'étaient tous levés pour mieux voir à quoi pouvait bien ressembler cette bourgade. Aucun d'entre eux ne s'était jamais aventuré au-delà des régions les plus populeuses qui entouraient les grandes ruches de Mars.
Rho-mu 31 déclara qu'il ne s'attendait à aucun incident, mais Dalia perçut qu'il activait les indicateurs de menace de son auspex aussitôt qu'ils se trouvèrent à portée des antennes de la petite localité. Elle garda cependant ceci pour elle.
La Cendrée se révéla à la fois exotique et relativement ennuyeuse. Le panorama se composait essentiellement de silos à minerai poussiéreux, de hangars aux parois de métal piquées de rouille et d'engins de forages dont la haute silhouette dominait le paysage. Comparé à la démesure des forges du Mechanicum dont le souvenir était encore très présent dans leurs esprits, le complexe industriel de La Cendrée leur sembla bien petit et totalement insignifiant.
Les habitants de la ville étaient des hommes et des femmes à l'expression fermée, aux visages burinés par les intempéries, tous vêtus de la même teinte délavée à force d'être exposés à l'abrasion des bourrasques de poussières et de cendres. Ils ne se donnèrent pas la peine d'accueillir les voyageurs et disparurent dans leurs habitations délabrées dès que la cargaison qu'ils attendaient eut été débarquée par une poignée de serviteurs archaïques.
Duneville, la bien nommée, se révéla tout aussi ordinaire, à part le fait que les serviteurs qui déchargeaient la cargaison étaient encore plus vétustés, puis le levmag repartit à destination de Bordecratère.
Cela faisait déjà une journée et demie qu'ils voyageaient. La fatigue commençait à s'installer, et ils avaient de plus en plus de mal à trouver le sommeil. Le train se déplaçait avec beaucoup de douceur, mais les sièges du compartiment avaient été conçus pour être plus fonctionnels que confortables.
Lorsque Zouche leur proposa de leur montrer la vue que l'on avait à l'approche de Bordecratère depuis la cabine de pilotage, aucun d'entre eux ne parvint à trouver l'énergie de s'enthousiasmer ; pourtant, lorsque le levmag s'arrêta devant le quai surélevé, ils virent aussitôt que cette bourgade était bien différente des autres.
L'endroit était abandonné. Les bâtiments étaient vides, les rues désertes, mais il était impossible de deviner si les habitants en avaient été chassés ou s'ils avaient quitté les lieux de leur propre chef.
Le levmag suivait simplement son programme automatique, et le mystère resta entier. Les fournitures minières destinées au petit bourg demeurèrent dans les wagons de marchandises, et le train reprit sa route.
Cependant, dès que la petite localité eut disparu dans la brume de poussière et de chaleur, Dalia eut l'impression qu'un poids énorme, dont elle n'avait pas eu conscience, se levait de ses épaules, comme si une sorte de maladie rampante planait sur la ville. Il y avait quelque chose qui... clochait à cet endroit.
Ce n'était pas réellement une impression de maladie ou de mort. Plutôt une sorte de gargouillement humide, un ricanement binaire qu'elle avait perçu sur les ondes.
Roussegorge était tout aussi déserte, et le même code étrange et murmurant planait sur la ville, comme une présence fantomatique. Dalia vit Rho-mu 31 frissonner. Il l'avait perçu, lui aussi : un grattement insistant en lisière de l'esprit, irritant comme une piqûre de puce.
Le levmag repartit, et leurs regards se croisèrent. Chacun d'eux comprit que l'autre avait senti le code corrompu qui infestait les ondes.
Rho-mu 31 secoua lentement la tête, et elle comprit aussitôt ce qu'il voulait lui dire.
Ne dites rien.
Enfin, le levmag se rapprocha de la barrière de pics escarpés qui séparait les hauts plateaux de Tharsis de la magnifique étendue de la Syria Planum. Après la longue boucle qu'il avait effectuée vers le sud, il remonta en direction du nord afin d'entamer la lente ascension du grand rempart de roches déchiquetées, écrasées les unes contre les autres par la pression d'une collision géologique qui durait depuis des millénaires. Au-delà du grand escarpement, le ciel était noir et traversé d'éclairs écarlates. On aurait dit les signes avant-coureurs d'un effroyable incendie.
Le voyage avait été long, et le spectacle des deux villes abandonnées les avait perturbés. Ils avaient tous entendu parler de villes fantômes, oubliées après que les filons qui avaient attiré les colons se soient épuisés, mais Roussegorge et Bordecratère ne leur avaient pas parues abandonnées. Elles leur avaient parues vides, comme si leur population avait tout simplement disparu. Évaporée en un clin d'œil.
— Ils ont peut-être été enrôlés de force ? leur suggéra Séverine. J'ai entendu parler de ce genre de choses. Un maître de forge qui se rend compte qu'il ne parviendra pas à remplir ses quotas et qui envoie ses protectors dans les désolations pour y capturer de nouvelles recrues à faire travailler dans sa forge.
— Ne sois pas ridicule, renifla Caxton. Ce sont des histoires pour faire peur aux gamins.
— Vraiment ? répliqua Séverine sur un ton de défi. Et comment tu le sais ?
— Je le sais, voilà, ça va comme ça ?
— Ah parfait. Rien qu'à t'entendre, je me sens déjà mieux.
— Qu'en dites-vous, Rho-mu 31 ? intervint Zouche d'une voix théâtrale. L'adepte Zeth vous a-t-elle déjà envoyé en mission pour lui procurer des esclaves à faire trimer dans sa forge du volcan ?
— C'est arrivé quelques fois, admit le protector.
Ils restèrent muets de surprise à cette réponse.
— Vous plaisantez, pas vrai ? reprit Caxton. Dites-moi que vous plaisantez.
— Je fais partie du Mechanicum, répondit Rho-mu 31. Nous ne plaisantons jamais.
Dalia plongea le regard dans les orbes verts des yeux de Rho-mu 31 et, bien qu'ils fussent dépourvus de toute humanité reconnaissable, elle vit passer une onde facétieuse dans les variations de son champ électrique. Elle sourit devant les expressions horrifiées de ses amis et se détourna afin de ne pas gâcher l'amusement de Rho-mu 31.
— C'est... mais c'est terrible, balbutia Séverine.
— Le Mechanicum utilise des esclaves ? articula Caxton sur un ton dégoûté.
— Je n'aurais jamais cru ça de vous, Rho-mu 31, reprit Zouche. Je n'aurais certainement jamais cru ça de l'adepte Zeth.
Lorsqu'il jugea que le silence avait duré suffisamment longtemps, Rho-mu 31 se pencha sur eux avec une expression menaçante.
— Ha ! Je vous ai bien eus ! s'exclama-t-il.
Un instant de silence stupéfait suivit ces paroles, puis la tension se relâcha brusquement, et ils explosèrent tous d'un rire hystérique.
— C'était pas drôle, parvint à dire Caxton en s'essuyant les yeux entre deux hoquets de rire.
— Non, ajouta Séverine. Vous ne devriez pas dire de choses pareilles.
— Pourquoi ? Je n'ai pas le droit de raconter une blague ? leur demanda Rho-mu 31.
— Je pense qu'ils sont surtout surpris que vous soyez capables d'en raconter, intervint Dalia en se retournant vers l'intérieur du compartiment. Je ne pense pas qu'ils aient l'habitude de voir des membres du Mechanicum faire de l'humour.
Rho-mu 31 hocha la tête.
— Je fais peut-être partie du Mechanicum, mais je suis encore humain.
Cet épisode dissipa l'étrange malaise qui pesait sur eux depuis qu'ils avaient vu les villes fantômes, et ils se remirent à discuter avec autant d'animation que lors de leurs premières réunions, quand ils en étaient encore à construire la première version du décodeur akashique.
L'excitation de ce voyage vers l'inconnu se raviva dans leurs esprits. Alors que le levmag commençait l'ascension des contreforts des montagnes, Zouche étendit l'une de ses dendrites qu'il brancha sur le port d'accès du compartiment et projeta sur la vitre de la fenêtre les images du vidéopix monté sur le fuselage du train.
Fascinés, ils observèrent les images tandis que Zouche faisait un panoramique du paysage environnant. Ils virent les plaines désolées qui s'étendaient vers le sud et la tache noire à l'horizon, juste au-dessus de la cité du magma, à près de deux mille kilomètres de l'endroit où ils se trouvaient. À la demande de Caxton, Zouche ramena le pixographe vers l'avant, et l'image légèrement brouillée leur montra la ligne de levmag argentée qui filait devant eux, droit vers le cœur des montagnes.
Dalia émit un petit cri étouffé. La ligne disparaissait dans la gueule béante et tapissée d'acier d'une caverne qui s'ouvrait à flanc de falaise et traversait la chaîne de montagnes en direction de Mondus Gamma.
Elle attrapa la main de Caxton et la serra de toutes ses forces tandis que le tunnel se rapprochait. Cette trouée obscure lui paraissait soudain terrifiante.
— Que se passe-t-il ? lui demanda-t-il.
— Je n'avais pas réalisé que nous devrions traverser l'obscurité, répondit-elle.
— Ce n'est qu'un tunnel. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
Plusieurs heures avant que le levmag de Dalia ne s'approche du tunnel qui reliait les hauts plateaux de Tharsis à la Syria Planum, les forces du fabricator général vinrent chercher l'adepte Zeth. Un lourd appareil du Mechanicum arriva du nord-ouest et se posa entre les rangées de statues qui bordaient la grande chaussée des Typhons, noircissant une bonne vingtaine de ces dignes personnages de marbre sous le souffle brûlant de ses énormes tuyères. Illuminé par la clarté qui montait des flots de lave fumante qui s'écoulaient de chaque côté de la vaste avenue, le ventre de l'appareil semblait reluire d'un éclat doré.
Le gros appareil disgracieux n'était pas armé, mais alors qu'il se posait sur ses patins d'atterrissage, ses augméteurs commencèrent à émettre un flot de code continu, répété en boucle, un communiqué exigeant que l'adepte Zeth se présente immédiatement, par ordre du fabricator général.
Cette convocation était formulée suivant un mode binaire extrêmement autoritaire et réservé aux plus hautes sphères du gouvernement, de sorte qu'il ne pouvait être ignoré. Des nappes de vapeurs s'écoulèrent des flancs de l'appareil qui se déployèrent vers l'extérieur, formant des rampes de débarquement pour les guerriers qu'il transportait.
Trois cents skitarii encadrés par des protectors descendirent sur la chaussée de basalte. Produits grâce à l'union impie du fabricator général avec la puissance enfermée dans les profondeurs des cryptes enterrées sous Olympus Mons, c'étaient des êtres déformés, pervertis, qui n'étaient plus que l'ombre de leur ancienne splendeur martiale. Ils étaient harnachés de carapaces bossues, d'armures hérissées de pointes et de casques cornus, et leurs bras d'armes bourdonnaient d'un pouvoir contre nature.
Les protectors étaient tout aussi modifiés que les skitarii. Ils étaient grotesques, boursouflés, et leurs armes noircies avaient été remodelées pour leur donner une forme odieuse, conçue autant pour infliger la douleur que pour éliminer leurs ennemis.
Sous l'œil vigilant des tourelles et des lance-missiles habilement intégrés aux parois de céramite et d'adamantium de la forge de Zeth, ces abominables tueurs s'organisèrent en trois cohortes séparées et se mirent en marche en direction de la porte de Vulkan.
Derrière cette armée venait un palanquin porté par des skitarii de très grande taille, à l'allure bestiale et à la peau grise, caparaçonnés d'armures bardées de pointes. Ces monstrueux guerriers ressemblaient à des ogres, et l'on voyait immédiatement que leur stature démesurée avait été obtenue par d'autres manipulations que de simples améliorations augmentiques et un surgénodéveloppement ordinaire. Ils avaient la peau luisante, et leurs veines palpitaient d'une luminescence rougeâtre, comme emplies d'une électricité interne.
Vêtus de robes aussi noires que la nuit, la tête dissimulée sous leurs capuchons, l'ambassadeur Melgator et l'adepte Regulus se tenaient sur le palanquin. Melgator portait un bâton d'ébène couronné d'une tête de loup grondant et Regulus un bâton d'ivoire orné d'un crâne d'obsidienne noire.
L'armée cauchemardesque se divisa devant eux, et Regulus fit arrêter le palanquin à cent mètres de la porte. Devant eux, le grand portail de la cité du magma se dressait dans toute sa splendeur. Il était tout en adamantium ouvragé, incrusté de rouages d'argent et d'éclairs et d'aigles d'or, et il était en train de s'ouvrir.
Un rai de lumière s'élargit lentement entre les deux vantaux monumentaux, et les skitarii se hérissèrent, crachant des invectives belliqueuses en code gangrené, tandis que Regulus levait les deux bras. Une longue exhortation en lingua technis, irrégulière et arythmique, jaillit de ses augméteurs internes. Son bâton surmonté d'un crâne était enveloppé d'un halo d'énergie psychique qui palpitait au rythme de son énonciation et, l'une après l'autre, les tourelles et les armes installées sur les plateformes du rempart se mirent en veille.
La clarté de la cité se déversa de l'ouverture en un éventail de lumière orangée, soulignant l'ombre de la silhouette élancée qui s'avançait vers eux et la projetant dans leur direction en une fine ligne noire.
L'adepte Koriel Zeth balaya du regard les cohortes assemblées devant elle avant de fixer un regard plein de mépris sur les deux individus qui se tenaient sur le palanquin, comme s'il s'agissait de deux pestiférés suppliant qu'on les accueille.
— Par quelle autorité osez-vous vous présenter devant ma cité et exiger ma présence ? articula-t-elle enfin.
Melgator tapa sèchement sur le rebord du palanquin du bout de son bâton, et les monstrueux porteurs le firent avancer jusqu'à ce qu'il se trouve à moins de vingt mètres de Zeth.
<Par l'autorité du fabricator général auquel Mars tout entière doit son allégeances logua Regulus dans une émission binaire diffusée sur tous les canaux du réseau.
Zeth grimaça.
— Le code que vous utilisez est un code corrompu, Regulus, répondit-elle, ayant lu son identité dans les fréquences crépitantes de son champ électrique.
— Bien au contraire, répliqua Regulus. C'est un code pur, tel qu'il existait avant d'avoir été soumis et asservi aux volontés de la chair.
— Si vous ne voyez pas la faille de ce raisonnement, alors vous êtes au-delà des pouvoirs de ma logique, riposta Zeth. À présent, dites ce que vous avez à dire et quittez ces lieux ! Mon travail m'attend.
— Cela n'est pas possible, Zeth, intervint Melgator. Nous sommes ici pour vous escorter à Olympus Mons où vous serez soumise au jugement du fabricator général.
— Mon titre est adepte Zeth, et je pense l'avoir mérité, rétorqua la maîtresse de la cité du magma d'un ton sec. Au nom de quoi osez-vous prétendre m'arrêter ?
<Au nom de vos hérésies répétées,> logua Melgator. <A savoir : votre entêtement à récuser l'existence du Dieu-Machine, votre refus de soutenir la politique et le régime préconisés par le fabricator général et, en dernier lieu, pour avoir permis à des individus extérieurs au culte Mechanicum de travailler sur une machinerie de nature divine. Suivant ces chefs d'accusation, vous serez placée sous notre autorité et ramenée à Olympus Mons pour y attendre votre procès en technohérésie.>
Zeth ne répondit rien durant un moment, laissant cette accusation s'appesantir dans le silence.
Puis, soudain, elle se mit à rire. Son rire se réverbéra contre le flanc de la montagne et résonna sur toute la longueur de la grande avenue.
— Vous osez vous moquer de ces accusations ? aboya Regulus. N'y aura-t-il donc pas de fin à vos indignités ?
— Oh oui, je m'en moque, répliqua Zeth sur un ton méprisant. Elles sont absolument risibles, et si vous n'étiez pas si totalement aveuglés par ce que Kelbor-Hal a fait de vous, vous en conviendriez avec moi.
D'un large geste de la main, elle désigna la foule des skitarii et des protectors.
— Ces monstres que vous avez amenés devant ma forge... ce sont des aberrations de chair et de mécanique, des hybrides dénaturés encore plus abjects que les épaves retournées à l'état sauvage qui hantent le pallidus. Vous avez métamorphosé la beauté des créations du Mechanicum en une sombre abomination, et ce qui me terrifie, c'est que vous êtes incapables de vous en rendre compte. Alors oui, en vérité je me moque de vos accusations, et plus encore : je refuse de vous reconnaître le droit de porter la moindre accusation contre moi !
— Vous refusez donc de répondre à la convocation du fabricator général ? demanda Regulus. Le profond désir qu'il éprouvait de lancer les skitarii à l'attaque était évident à la cadence de son logus binaire. Comprenez-vous clairement la gravité de vos actes ?
— Parfaitement, confirma Zeth.
— Dans ce cas, nous devrons vous emmener par la force, déclara Melgator.
— Vous pouvez essayer, répliqua Zeth.
Melgator pointa son bâton en direction des remparts.
— Ou vous nous suivrez de votre plein gré, ou vous serez anéantie, Zeth. Connectez-vous aux défenses de votre forteresse et vous verrez qu'elles sont désactivées. Nous contrôlons le code à présent.
Les trois cohortes de skitarii se mirent en mouvement, accompagnées par la rumeur des crépitements et des claquements de leurs pyrolances, de leurs hallebardes énergétiques et de leurs armes de poing qui s'activaient.
— Contrairement à ce que vous pensez, vous ne les contrôlez pas toutes, lança Zeth.
À ce moment précis, deux immenses silhouettes de métal apparurent dans l'encadrement du grand portail, derrière elle.
Elle semblait toute petite aux pieds des deux Chevaliers qui la dominaient du haut de leurs neuf mètres. Leurs armures bleu nuit reluisaient, illuminées par la clarté rougeoyante du lac de magma, et leur fier blason, une roue encerclant un éclair, brillait sur leurs épaulières. Ils s'avancèrent et se placèrent à ses côtés, un peu en retrait, lances énergétiques et mitrailleuses pointées sur les skitarii.
Derrière les deux premiers, une douzaine d'autres Chevaliers se mirent majestueusement en position, coude à coude, constituant un rempart qui interdisait toute intrusion dans la cité du magma.
À la vue des grandes machines de guerre, les skitarii hésitèrent puis ralentirent et se mirent à piétiner sur place, en pleine confusion, malgré les hurlements de leurs chefs de pelotons. Regulus émit une ligne de codes paniquée, composée des mêmes algorithmes mutants qu'il avait utilisés pour désactiver les défenses des remparts, mais les Chevaliers l'ignorèrent superbement. Ils avaient pris la précaution d'isoler leurs systèmes en fermant tous leurs accès logiques.
— Voici le seigneur Caturix, des chevaliers de Taranis, annonça Zeth en indiquant de la main le Chevalier qui se tenait à sa gauche et dont la posture agressive indiquait clairement son désir d'engager le combat. Et voici le précepteur Stator. Leur ordre est un allié de cette forge et si votre appareil n'a pas décollé de mon avenue dans les cinq minutes qui viennent, ils se feront un plaisir de vous réduire en charpie. Comprenez-vous clairement la gravité de cet acte ?
— Vous osez menacer un émissaire du fabricator général ? glapit Melgator. Vous êtes une honte pour le Mechanicum, Zeth !
— Votre tueuse détruit l'esprit de mon apprenta et assassine l'une de mes acolytes, et c'est vous qui osez me qualifier de la sorte ? gronda Zeth. Elle consulta son chronomètre interne. Quatre minutes et quarante secondes, Melgator. Je vous conseille de ne pas traîner.
—Vous vous en repentirez, lui promit Regulus. Votre cité ne sera bientôt plus qu'un tas de ruines, et tout souvenir de votre héritage sera effacé des annales.
Les Chevaliers avancèrent d'un pas. Les sifflements et les grincements de leurs membres de métal résonnèrent, menaçants.
Melgator frappa la rambarde du palanquin de son bâton et, sans ajouter une parole, se retira en compagnie de Regulus. Une commande binaire criée à la hâte rappela les skitarii qui s'en retournèrent vers le transport de troupes, amèrement désappointés.
Les rampes latérales de l'appareil se replièrent, ses portes se refermèrent, et il décolla. Le chef des Chevaliers se tourna vers Zeth et un lien noosphérique s'ouvrit entre eux.
— Vous auriez dû me laisser en finir avec eux, dit le seigneur Caturix.
— C'est possible, acquiesça Zeth, mais j'ai le sentiment que vous en aurez bientôt l'occasion.
— Vous pensez qu'ils vont revenir ?
— Je sais qu'ils reviendront, seigneur Caturix, mais la prochaine fois, ils seront moins arrogants. Je dois avertir Maximal et Kane. Kelbor-Hal pourrait bien s'attaquer à eux, et il faut que j'expédie une nouvelle requête à la Legio Tempestus. J'ai le sentiment que la cité du magma aura besoin de défenseurs encore plus puissants dans les jours à venir.
— Le soutien de Tempestus serait vraiment bienvenu, acquiesça Caturix. Et en attendant, nous resterons à vos côtés. Que voudriez-vous que nous fassions ?
Zeth regarda s'éloigner l'éclat blanc-bleuté des tuyères du transport de troupes.
— Préparez-vous pour la guerre, répondit-elle.